Les Amis de Guillaume Budé – Chronique dantesque

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Cette chronique  raconte la vie des Classiques à la Renaissance. Des contemporains de l’humaniste Guillaume Budé (1467-1540) permettent de voir comment l’Antiquité alimente la culture, la pensée et la langue de l’époque.

Comme d’autres auteurs, Dante a donné lieu à la création d’un nouveau mot à partir de son nom : dantesque. Ce néologisme est attribué à Alphonse de Lamartine qui écrit dans une lettre de 1836 : « Jocelyn, épisode de poésie intime, va paraître dans peu de jours. […] Je publierai dans dix-huit mois un fragment dantesque d’un tout autre ton. »

Que signifie cet adjectif passé dans le langage courant ? Le Robert nous donne cette définition : « Qui a le caractère sombre et sublime de l'œuvre de Dante. » Il indique en complément les synonymes suivants : « effroyable, abominable, affreux, atroce, d'enfer, effrayant, épouvantable, horrible, terrible ». Ça ne donne pas vraiment envie d’aller lire la Divine Comédie !

Le Larousse n’est pas plus rassurant avec sa définition : « Sublime, grandiose et assez terrifiant ». D’autant moins que l’exemple choisi est « Vision dantesque de l’avenir » et que parmi les synonymes figure « apocalyptique ». Cependant le premier sens donne « Particulier à Dante, à sa poésie. » C’est d’ailleurs ce qu’indiquait le Littré : « Qui imite le caractère sombre et sublime que Dante a imprimé à ses poëmes. »

L’adjectif désigne « ce qui est propre à la poésie de Dante » (on peut parler de vers dantesque sans que celui-ci soit horrible ou terrifiant) ou « ce qui a pour objet l'étude de la poésie de Dante » (les études sur Dante sont nombreuses, leur quantité est effroyable mais leur lecture n’a rien d’atroce). Dans un autre sens, dantesque s’applique à ce qui imite ou rappelle le caractère (terrifiant, grandiose, etc.) de la Divine Comédie de Dante.

Il est toujours intéressant de voir que l’adjectif est employé dans des contextes très variés. Ainsi, Balzac évoque, dans La Cousin Pons (1847) : « La fougue et le grandiose dantesque de Liszt ». Dans un autre registre, les médias utilisent souvent l’expression « tempête dantesque ». Les Inrockuptibles parlent de « la fresque rock’n roll dantesque de Martin Scorsese ». Fabrice Colin affirme, dans La Poupée de Kafka (2016), que « Berlin est embourbée dans une crise financière dantesque ».

Image : Dans les médias les grandes tempêtes sont souvent dantesques
Dans les médias les grandes tempêtes sont souvent dantesques (source : Le Télégramme).
Image : À la mer ou à la montagne, c’est parfois dantesque
À la mer ou à la montagne, c’est parfois dantesque (source : Le Dauphiné).

On n’est pas surpris de trouver le mot sous la plume de Marie d’Agoult dans son livre Dante et Gœthe (1866), même si l’autrice joue sur les clichés attribués à l’un et à l’autre poète. « Nulle part la dévotion à Dante n’a trouvé d’aussi fervents adeptes que dans la patrie de Klopstock, Schlegel, Schelling, Schlosser, de Witte, le roi Jean de Saxe et tant d’autres célèbrent à l’envi, interprètent avec une érudition passionnée la Comédie divine. Pour sa plus grande et sa meilleure partie, la littérature dantesque est allemande. » Elle écrit également : « Il en est ainsi pour moi du calme goethéen et de la tourmente dantesque. J’y reconnais le même élément, apaisé ou soulevé, le même génie. »

 

« Onorate laltissimo poeta ; / lombra sua torna, chera dipartita. »
« Honorez le très grand poète ; / son ombre revient, qui était partie. »