Da Capo — Opéra mosaïque

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L’opéra est encore jeune, mais de Monteverdi à Wagner, il a créé son Antiquité. En chantant le mythe et la tragédie, l’art lyrique s’invente et rêve les Anciens.

Dès les premiers mots de l’opéra, le Nom de Dieu est pour Moïse le nœud d’un problème : Comment parler pour l’Éternel et l’Irreprésentable ? L’énigme de la prophétie est alors double. Que signifie-t-elle ? Et comment pourrait-elle signifier ce qui excède la représentation ? Schönberg fait de cette question un immense défi artistique. Sa musique dodécaphonique figure l’Insensible par l’évitement de la mélodie et la fragmentation des thèmes. Le chœur se démultiplie pour chanter l’Unique. Moïse s’exprime en parlé-chanté face à Aron qui « trahit le Verbe » par le chant, et accorde au peuple les idoles et les sacrifices qu’il réclame.

Ces antithèses métaphysiques et musicales ne seront pas résolues dans cet opéra inachevé, ce qui lui donne une exceptionnelle beauté tragique. Dans une blancheur opaque, puis une noirceur crue, la mise en scène de Romeo Castellucci souligne l’inquiétude fondamentale qui anime la musique de Schönberg, en respectant cependant sa beauté, son intensité et sa force de Loi.

J.T.

Arnold Schönberg, Moses und Aron (1954), mise en scène de Romeo Castellucci, crée à l’Opéra Bastille en octobre 2015. Dirigé par Philippe Jordan, avec Thomas Johannes Mayer (Moïse) et John-Graham Hall (Aron).

L’opéra est visible en intégralité sur Arte.tv.fr jusqu’au 20.03.2016 inclus. 

Très contemporain mais « classique » à sa manière, Romeo Castellucci met en scène à Paris Ödipus der Tyrann du 20 au 24 Novembre, Le Metope del Partenone du 23 au 29 Novembre et Orestie (une comédie organique ?), du 2 au 20 Décembre.

On pourra également voir l’exposition « Moïse. Figures d'un prophète » au Musée d’art et d’histoire du judaïsme jusqu’au 21 février.

- Martin Buber, Moïse, Belles Lettres, septembre 2015.

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