Les Sphyrènes d’Alexandrie — La chronique de Cléopâtre-Alexandrine de Garamond

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Prenons une bibliothèque de Lutèce avant J.-C. et une bibliothèque moderne. Nous remarquons aussitôt que la principale différence entre les deux modèles tient en un mot : gay pride.

gay pride, du grec.

Cette semaine de gay pride, il semble légitime de se demander si les bibliothèques d’Herculanum ou d’Athènes ont pu résonner de si tapageurs défilés. Il semble bien que la première parade du genre ait vu le jour à Lutèce, dans le quartier du Marais nostrum. L’absence de documents d’époque n’interdit pas d’aborder le sujet. Car qui niera que les ingrédients d’une parade réussie se trouvaient déjà sur les étals de l’Antiquité ? Imaginons donc le tableau : ici M. Focaldus, fin lettré lassé des yeux bleus de son esclave boïen, cherche à l’échanger contre un Numide ; là, un ancien lanista cherche à fourguer quelque mastix d’occasion, dérobé dans les sous-sols du Colisée ; voici un centurion timide glissant un mot doux (pilum meum largius est quam rectum tuum) ; un marchand de caligae de Mediolanum vantant ses articles à petites lanières dorées ; un épilateur proposant sa cendre chaude, dite d’Aristophane (Nuées, 1072-1073), sous les lazzi d’un autre adepte de la pierre ponce chère à Juvénal (Satires, IX, 95) ; un Grécoulos aguichant un cinaedulus dans une indifférence polie (ici, personne ne tique lorsque l’Attique astique sa trique) ; un Zeus de carnaval, ravissant son Ganymède (Anthologie grecque, V, 65) ; un disc-jockey mixant la célèbre danse des tapettes, bien attestée par Apulée – qu’on prétendait monté comme un âne d’or, ce qui ne gâte rien (Âne d’or, VIII, 25-26) ; un marchand de raifort ad usum internum (Anthologie grecque, XII, 210) ; un Jules se vantant d’être un vétéran de la guerre des gaules. L’on dégustait des cous de girafe farcis dans la graisse d’urus, des vulves de truie au miel. Un peu à l’écart de la testostérone, Bérénice aimait Mésopotamia (Photius, Bibliothèque, 94), pendant que Mégilla, Klonarion et Léaina faisaient des choses que, par la déesse ouranienne, il n’est pas permis de relater ici (Lucien s’en charge dans le Dialogue des courtisanes, V).  

Bref, à dates fixes arrêtées par les pontifes, tout ce petit monde trimballait son cul sur les remparts de Gergovie, d’Alexandrie, de Rome, d’Athènes – et du quartier latin. 

C’est pourquoi la bibliothèque d’Herculanum (qui a dû en voir de bien belles) était plutôt en avance, alors que la Vaticane, quoique bien achalandée, demeure plutôt en retrait.

Cléo

Bibliographie : 

BOEHRINGER (Sandra), L'Homosexualité féminine dans l'Antiquité grecque et romaine. Les Belles Lettres, Paris, 2007.

HALM-TISSERANT (Monique), Réalités et imaginaire des supplices en Grèce ancienne. Les Belles Lettres, Paris, 2013 (2e éd.).

Homosexualité : aimer en Grèce et à Rome ; précédé d’un entretien avec Jean Allouch ; textes réunis par Sandra Boehringer et Louis-Georges Tin. Les Belles Lettres, Paris, 2010.

APULÉE, Les Métamorphoses ou l’âne d’or, trad. Olivier Sers. Les Belles Lettres, Paris, 2010 (2e tirage).

ARISTOPHANE, Nuées, éd. par Victor Coulon, trad. Hilaire Van Daele. Les Belles Lettres, Paris, 2009.

JUVÉNAL, Satires, trad. Olivier Sers. Les Belles Lettres, Paris, 2011 (3e tirage).

LUCIEN, Dialogue des courtisanes ; trad. Pierre Maréchaux. Arléa, Paris, 1998.

PHOTIUS, Bibliothèque, t. 2 ; éd. et trad. René Henry. Les Belles Lettres, Paris, 1991. (CUF). 

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