Les amis de Guillaume Budé - Le programme d’enseignement prévu par Jacques Lefèvre d’Étaples

Texte :

Cette chronique  raconte la vie des Classiques à la Renaissance. Des contemporains de l’humaniste Guillaume Budé (1467-1540) permettent de voir comment l’Antiquité alimente la culture, la pensée et la langue de l’époque. Hommage à l’ancêtre du Gaffiot, l’imprimeur Robert Estienne est le premier invité des Amis de Guillaume Budé. Sa devise : « Noli altum sapere, sed time », c’est-à-dire « ne t’élève point par orgueil, mais crains ». 

Avec la précédente chronique, Jacques Lefèvre d’Étaples était à Blois avec les enfants de François Ier. Aujourd’hui, nous remontons dans le temps à l’époque où Lefèvre d’Étaples enseignait au collège du cardinal Lemoine, où il avait étudié lui-même. Dans la biographie de Lefèvre, nous avions signalé que l’humaniste « donna une impulsion nouvelle aux études et aux méthodes » du collège du cardinal Lemoine, « dans les domaines de la littérature et de la philosophie » (Introduction aux Hécatonomies, traduction latine de Lefèvre d’Étaples du texte de Platon, éditions Vrin, 1979, p. 13-14).

C’est aussi l’époque où Lefèvre, ayant découvert des traductions latines des textes d’Aristote, entreprend de les publier et de les commenter. En 1506, Henri Estienne imprime donc les Aristotelis commentaria proposés par Lefèvre d’Étaples. Le recueil comporte notamment des commentaires sur la Politique d’Aristote et « pour la première fois, Lefèvre, dans le commentaire du huitième livre, exposa tout son programme d’enseignement libéral » (Auguste Renaudet, Préréforme et humanisme à Paris pendant les premières guerres d’Italie (1494- 1517), Paris, Champion, 1916, p. 486).

L’éducation est au cœur des réflexions humanistes et c’est deux ans après la publication de l’Enchiridion d’Érasme que Lefèvre d’Étaples « voulut dire comment il entendait la formation d’un esprit et d’une conscience » (Renaudet, p. 486).

« Comme Érasme, il ne permet pas que l’on consacre trop de temps aux éléments de la grammaire ; à peine capable de comprendre le latin, l’élève doit étudier les poètes. Avant tout il lira Virgile, mais il évitera les auteurs sensuels et légers ; il leur préférera ceux qu’inspire la loi chrétienne » (Renaudet, p. 486). C’est ainsi que Lefèvre conseille Prudence (348 - vers 405), un poète chrétien et, « parmi les modernes, Battista Spagnuoli » (1447-1516). Poète et religieux italien, ce dernier a été prieur des carmes.

Jacques Lefèvre d’Étaples donne ensuite « des modèles de prose élégante chez les meilleurs écrivains antiques et modernes, dans les lettres de Cicéron, de Pline le Jeune », ou les textes de Francesco Filelfo (1398-1481), un humaniste italien. Bien sûr l’élève apprendra « la théorie de la rhétorique dans Cicéron »

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Illustration 1 : Aristote (détail de l’École d’Athènes, fresque de Raphaël, vers 1510). Source : Wikipedia


« Lefèvre ne croit pas utile qu’il connaisse à fond l’histoire du monde païen ; Josèphe et les Hagiographes lui enseigneront les destinées du peuple juif, et la propagation du christianisme dans l’empire romain. Une fois l’élève en possession de l’art d’écrire et de parler, il recherchera des connaissances plus réelles et plus solides. » (Renaudet, p. 486)

Aristote est le passage obligé de tout étudiant et Lefèvre d’Étaples ne change rien, cependant « au lieu de perdre son temps à suivre les sophistes, [le disciple] lit le véritable Aristote avec l’aide des interprètes anciens ou des hellénistes modernes. L’arithmétique, la géométrie, la théorie de la musique, l’astronomie, complètent sa science des formes abstraites. Il passe alors à l’étude de la nature et de l’homme ; dans les livres retrouvés d’Aristote, il approfondit la physique, l’éthique avec ses compléments, la politique, le droit et l’économie. » (Renaudet, p. 486)

Pour Lefèvre, ce programme doit « conduire à la connaissance de Dieu », ce qui implique la lecture de la Bible, et des Pères de l’Église.

Nous consacrerons les prochaines chroniques aux travaux de Lefèvre d’Étaples sur Aristote. « Pour profiter à tous, de quelque condition que soient. »


 

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