Chroniques anachroniques – Anti-morosité XXIV : Telle Cendrillon…

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À un moment où l’information fuse de toutes parts, il nous a paru intéressant de l’ancrer dans des textes très anciens, afin que l’actualité et l’histoire se miroitent et s’éclairent dans un regard tantôt ou tout ensemble stimulant et amusé, songeur ou inquiet.

Avec 24 millions de paires de chaussures achetées, les Français aiment à se chausser et mettre la mode à leurs pieds. Tout y passe : bottes, bottines, baskets, escarpins, tong, sandalettes, chaussons…sans parler des va-nu-pieds, qu’ils soient révoltés, zen ou naturistes.
L’attrait de séduction de la chaussure est manifeste chez Ovide dans l’Art d’aimer et se laisse surprendre, teinté de fétichisme, dans cette petite anecdote rapportée par l’historien Suétone.

Claudium uxoribus libertisque addictum ne qua non arte demereretur, proximo munere a Messalina petit ut sibi pedes praeberet excalciandos ; detractumque socculum dextrum inter togam tunicasque gestauit assidue, nonnumquam osculabundus.

Voyant Claude devenu la chose de ses femmes et de ses affranchis, et ne voulant négliger aucun moyen de lui faire sa cour, il sollicita de Messaline, comme la privauté la plus précieuse, la permission de la déchausser, et, lui ayant dérobé son brodequin droit, il affecta de le porter constamment entre sa toge et ses tuniques, en le baisant de temps à autre.

Suétone, Vies des douze Césars, Vitellius, II,
texte établi et traduit par H. Ailloud,
Paris, Les Belles Lettres, 1964

La chaussure romaine empruntait des formes diverses : les deux principaux types de chaussures romaines étaient la solea, sorte de sandale, et le calceus, soulier fermé de ville porté avec la toge, toutes deux déclinées en couleurs, formes, assemblages. La chaussure était caractérisée et codifiée socialement : alors que les esclaves n’avaient pas le droit d’en porter (leurs pieds étaient enduits de craie ou de plâtre), les magistrats portaient de curieux souliers à bout recourbé, orné sur le côté d’un croissant d’or ou d’argent. Invités à un festin, les Romains de haut rang font porter leurs sandales chez leur hôte. Garder ses souliers de marche est un manque de civilité. Les cordonniers n’étaient pas esclaves mais citoyens pleins, signe de considération dont bénéficiait la chaussure. Dans l’armée, la chaussure militaire, la caliga, maintenue par des lanières donnera même son surnom à l’Empereur Gaius (Caligula, petite sandale, parce qu’il en affectionnait le port quand il fréquentait, dans son enfance, les camps militaires).

Les chaussures se portaient même rouge, comme attribut privilégié des courtisanes avant de se répandre dans le reste de la société, jusqu’à l’Empereur Aurélien (IIIe s. de notre ère), dont les souliers rouges, les mullei (< murex, coquillage dont on tirait la couleur), devinrent un emblème impérial. De là, l’usage fut adopté par les papes, ainsi que toutes les cours d’Europe, avec le port de souliers à talons rouges (cf. le portrait de Louis XIV par Hyacinthe Rigaud).

Trouvez donc chaussure à votre pied, sans que la mode ne nuise à votre confort plantaire : évitez les louboutin en pointe du Moyen Âge qui ont laissé aux paléopathologistes de magnifiques exemples d’hallux valgus.

Christelle Laizé et Philippe Guisard

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