Warwick — Brexit à l’université

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Aujourd’hui à Warwick, une “journée porte ouvertes” (Open Day) pas comme les autres se prépare. Comme d’habitude, le campus grouille de parents flanqués de leurs rejetons en fin d’études secondaires ; comme d’habitude les parkings débordent, les bus-navettes déversent un flot toujours plus impressionnant de familles venues de tout le pays en quête d’information et même d’inspiration, cherchant à comprendre pourquoi Warwick caracole dans les premières places des classements nationaux des universités britanniques. Aujourd’hui, tous les départements participent. Comme d’habitude, une petite moitié du département de Classics et une demi-douzaine d’étudiants volontaires se préparent pour le show de deux heures de présentations, questions et réponses. Le powerpoint est prêt, les discours rodés, les blagues ciselées d’avance. Pourquoi Warwick? Nous avons une rafale de bonnes raisons à donner à nos quelque deux cents visiteurs. En première ligne, le collègue star de la BBC, chouchou de ces dames de cinquante ans, notre “produit d’appel”. Seulement aujourd’hui quelque chose ne tourne pas rond : toute une partie du show est comme en suspens. Pourquoi ? Parce que l’un de nos points forts est notre tissu de relations avec de multiples universités et instituts en Italie ou en Allemagne. Parce que nous avons un très populaire diplôme de licence en quatre ans qui comprend une année à Bologne, Rome ou Venise, dont les étudiants reviennent souvent transformés. Parce qu’il n’est pas un seul collègue qui n’ait des liens puissants avec quelque portion d’Europe continentale. Plusieurs d’entre nous sommes d’ailleurs citoyens européens : Belgique, Grèce, France, Suisse figurent parmi les nations représentées en Classics à Warwick. Nous faisons bonne figure. Mais ce matin à Warwick, le show se teinte d’incertitude. Il faut apprendre à relativiser nos racines européennes. On ne peut plus rien promettre au sujet de nos programmes anglo-italiens ni de nos divers accords transmanches. Ils pourraient tous disparaître. La star de la BBC tente une blague sur Boris Johnson qui fait glousser le public. C’est le premier Open Day après le Brexit. 

Caroline Petit est docteur en études grecques de l’université Paris IV-Sorbonne (2004) et enseigne depuis 2012 à l’université de Warwick (Classics and Ancient History), après avoir enseigné à Paris IV (Institut de Grec), Exeter, Manchester et Winchester. Elle travaille sur les textes médicaux antiques, leur transmission et leur réception avec le soutien du Wellcome Trust (Galien, Pseudo-Galien). Elle a publié aux Belles Lettres la première édition critique, avec introduction, traduction et notes de l’Introductio sive medicus attribué à Galien.

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