Une semaine de culture G – Les danses guerrières en Grèce antique

22 juin 2023
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À l’occasion de la parution, aux éditions Les Belles Lettres, de Un été de culture G pour toute la vie, le dernier ouvrage de Florence Braunstein et Jean-François Pépin, nous vous proposons cette semaine d’en lire quelques belles pages. Découvrez aujourd’hui un extrait du septième chapitre, intitulé « Du son et des gestes », et plus spécifiquement de la deuxième partie « De la geste aux gestes ».

 

Un ensemble de danses

Dans les cités grecques, le citoyen est avant tout soldat, c’est l’une des deux obligations qui lui incombent, tout comme de se marier et d’avoir des fils, futurs défenseurs de sa cité.
Mobilisable en général de 18 à 60 ans, il reçoit dès l’enfance une solide préparation militaire, où la danse martiale occupe une place de choix. Elle est à la fois un exercice indispensable à une guerre menée au corps à corps, l’affrontement de deux individus comme dans l’Iliade, avant l’invention, vers le milieu du VIIe siècle avant notre ère des bataillons d’hoplites, et un hommage à divers dieux ou déesses de la guerre. Essentiellement destinées aux hommes, les danses guerrières peuvent toutefois être mixtes, exécutées avec armes ou nus.
Parmi les plus connues, la Gymnopédie, la Laconienne, la Hormos, et la célèbre Pyrrhique.

 

  • La gymnopédie

La gymnopédie, ou « Fête des Jeunes Nus », ou « Fête des danseurs sans armes », est une danse spartiate pratiquée au coeur de l’été en l’honneur d’Apollon. Pratiquée nu, elle se compose en réalité de trois groupes, celui des vétérans, trop âgés pour participer encore au combat, celui des hommes capables de porter les armes, et celui des jeunes encore en formation militaire.
Son aspect martial réside dans l’art des pas de déplacement, maîtrise indispensable sur le champ de bataille, et dans le fait de mimer une lutte, le tout rythmé par des chants.

 

  • La Laconienne

Dansée à Sparte, elle est composée de trois groupes, comme la gymnopédie, armés de lances et de boucliers, qui incarnent le passé, le présent et le futur. Les vieillards chantent leur vaillance d’autrefois, les hommes leur capacité à reprendre le flambeau, les jeunes leur hâte d’égaler et de surpasser leurs aînés.

 

  • La Hormos

Également spartiate, c’est une danse mixte, où filles et garçons alternent en formant une file qui serpente, à l’initiative des filles. Les garçons rivalisent de postures guerrières, pendant que les filles déploient pas et mouvements gracieux.
Il s’agit d’exalter la vertu martiale des hommes et les qualités domestiques des femmes, même si, à Sparte, les jeunes filles apprenaient à se battre, non pour aller au combat, mais dans le cas où, la cité vaincue, elles auraient à la défendre avant d’égorger leurs vieux parents, leurs enfants, et de se donner la mort pour éviter la honte de l’esclavage.

 

  • La plus fameuse : la Pyrrhique

C’est la danse guerrière de Sparte la plus connue. Son nom viendrait de celui du fils du héros de la guerre de Troie, Achille, Pyrrhus, également nommé Néoptolème. Après la mort de son père, Pyrrhus prend sa place au combat, acquiert la gloire en tuant le roi hittite Eurypile, venu au secours de Troie assiégée. C’est autour de son corps que Pyrrhus aurait manifesté sa joie par une danse martiale, ancêtre de la Pyrrhique.
Les danseurs, en armes, simulent, au son de la flûte aulos, une succession d’attaques et de défenses, en chantant les hymnes composés par Thaletas au VIIe siècle avant notre ère, tout en suivant quatre temps imposés. Le Podisme, ou danse rapide des pieds, le Xiphisme, ou bataille feinte, le Kosmos, suite de bonds les plus hauts possible, enfin le Tetracomo, lente figure en carré.
L’importance de la danse guerrière est relatée dans l’Iliade, quand le prince troyen Hector lance au héros Ajax qu’il ne le redoute pas, car il « connaît les pas de la danse mortelle d’Arès », dieu de la Guerre. Platon, dans Les Lois, assimile la Pyrrhique à une partie de l’hoplomachia, l’entraînement en armes.

 

Curètes et Corybantes

Deux autres groupes de danseurs doivent être mentionnés, les Curètes et les Corybantes.
Les premiers sont liés à la mythologie. La première génération divine est composée de Cronos et de son épouse Rhéa. Prévenu que son fils le détrônerait et prendrait sa place, Cronos dévore sa progéniture à la naissance. Son épouse finit par cacher le petit Zeus dans une caverne sur l’île de Crète. Mais les cris du bébé peuvent alerter son terrible géniteur. Des danseurs en armes chantent, crient, frappent leurs boucliers de leurs glaives afin de couvrir les vagissements.
Durant la période classique, la danse est reproduite par les Crétois sur l’île de Délos. Il s’agit alors de recréer en partie l’action du mythe, mais aussi d’un rite en l’honneur de Rhéa, déesse de la Fertilité.
Ce rôle de la fertilité se retrouve chez les Corybantes, sectateurs de la déesse des Moissons Cybèle, adorée en Phrygie, en Asie mineure, par les cités grecques locales. Les prêtres de Cybèle, les galles, lors d’une danse extatique, s’émasculent, car seuls les eunuques peuvent desservir son culte. Lors des processions solennelles, les galles, en armes, leurs tuniques tachées du sang des blessures qu’ils s’infligent, précédent le char de la déesse.

 

Florence Braunstein et Jean-François Pépin, Un été de culture G pour toute la vie, p. 389-390,
Les Belles Lettres, 2023