Une semaine de culture G – Cléopâtre, plus intelligente que belle

19 juin 2023
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À l’occasion de la parution, aux éditions Les Belles Lettres, de Un été de culture G pour toute la vie, le dernier ouvrage de Florence Braunstein et Jean-François Pépin, nous vous proposons cette semaine d’en lire quelques belles pages. Découvrez aujourd’hui un extrait du quatrième chapitre, intitulé « Les hommes et leur histoire », et plus spécifiquement de la deuxième partie « Les dames de nos pensées ».

 

Cléopâtre VII (69-30 av. J.-C.), ou « Gloire de mon père », nous est connue physiquement par une unique pièce de monnaie, où son visage, de profil, affiche une rare laideur. En l’absence de documents autres, il nous faut renoncer à l’idée répandue d’une beauté.
Voilà qui rend d’autant plus fascinante celle qui séduisit César et Marc-Antoine.

 

La famille, quelle plaie !

Cléopâtre est l’une des filles de Ptolémée XII dit « Aulète », le « joueur de flûte », alcoolique notoire qui passe une bonne partie de son règne à Rome, chez ses protecteurs, tant son peuple bien-aimé songe à lui faire un sort funeste.
À sa mort, Cléopâtre doit lui succéder, mais au prix de deux mariages successifs avec ses frères, Ptolémée XIII et Ptolémée XIV. Le premier meurt noyé dans le marais du delta, après s’être, en vain, soulevé contre sa sœur et César, le second assassiné sur ordre de sa sœur-épouse, en 44 av. J.-C., peu après le meurtre de ce même César.
Reste une sœur, Arsinoé. Elle participe, dans une cage, au triomphe de César, mais Cléopâtre est déçue, il n’y a pas de mise à mort, sa jeunesse émeut le dictateur. Il lui reviendra de la faire assassiner, sur les marches du temple d’Artémise, à Éphèse, sur ordre, cette fois-ci, de Marc-Antoine.

 

Les amants romains

Cléopâtre sait bien que l’Égypte, grenier à blé de Rome, lieu de transit de l’or, l’ivoire, les peaux de panthère, n’a pas les moyens militaires de s’opposer aux Romains. C’est là qu’intervient son charme prodigieux, au sens premier de charme, magie. Elle n’a nul besoin d’un philtre d’amour, elle est ce philtre, pour séduire César, puis Marc-Antoine ? Le premier tombe sous son charme en 48 av. J.-C., lui donne un fils, Césarion, mais, Romain avant tout, ne franchit pas un nouveau Rubicon en l’épousant. Marc-Antoine, en revanche, bien que déjà marié à Octavie, sœur d’Octave, futur empereur Auguste, se marie avec elle, lui donne deux enfants. Pire encore, il conquiert des territoires en Asie Mineure pour les lui offrir. C’est trahir Rome.

 

La fin

Rome est lasse des guerres civiles, Octave l’a compris, le moment est venu d’instaurer un empire. Il lui faut toutefois se défaire de son beau-frère Marc Antoine. C’est chose faite après la victoire navale de la bataille d’Actium, en septembre 31. Rien ne s’oppose plus à son avance sur l’Égypte. En l’an 30, il est à Alexandrie. Croyant Cléopâtre morte, Marc-Antoine se suicide.
La reine joue alors un bien trouble jeu, tente, mais en vain, de séduire Octave. Pour une fois, le conquérant romain est insensible à ses charmes. Le 12 août 30, elle met fin à ses jours par le poison, selon la légende celui de serpents, des aspics, en hommage au cobra royal, l’uraeus, protecteur des pharaons égyptiens. Octave déplore surtout de ne pouvoir l’exhiber à son triomphe, fait de l’Égypte une nouvelle province romaine.

 

Le Club des Inimitables

Après la défaite d’Actium, Cléopâtre et Marc-Antoine animent deux cercles de proches. Le premier est celui des Inimitables. Au fil des banquets, il s’agit de rivaliser en beuveries et en références littéraires, accompagner chaque cratère de vin pur de citations savantes, avant de céder aux plaisirs de la chair. La victoire d’Octave rend l’avenir plus précaire. Désormais, les Inimitables, réduits à une dizaine de familiers, deviennent le « Cercle de ceux qui veulent mourir ensemble ». Si l’un d’eux meurt, les autres s’engagent à se suicider.
C’est ainsi que la plus cultivée des Ptolémée, la seule capable de parler l’égyptien, quitte ce monde, faute de pouvoir, une fois encore séduire son vainqueur.

 

Florence Braunstein et Jean-François Pépin, Un été de culture G pour toute la vie, p. 170-171,
Les Belles Lettres, 2023