
L’été est là, et avec lui la possibilité du départ, du chemin à suivre, de l’horizon à rejoindre. Pour accompagner la saison, La Vie des Classiques vous propose une série de textes antiques autour du voyage, réel ou imaginaire, terrestre ou spirituel, tantôt éprouvant, tantôt initiatique. Des errances d’Io aux haltes d’Horace, de la quête du Nil racontée par Hérodote aux traversées d’Apollonios de Rhodes, en passant par les lettres de Jérôme et de Sidoine Apollinaire, ces extraits choisis vous feront parcourir le monde antique au rythme de celles et ceux qui l’ont foulé, rêvé ou fui. Chaque semaine, un ou deux auteur(s), des textes, cinq étapes. Bonnes pérégrinations !
Horace (65-8 av. n. è.) raconte, dans le passage des Satires que nous vous proposons de lire cette semaine, un voyage réel effectué en compagnie de Mécène, Virgile et d’autres proches, entre Rome et Brindes. Avec humour et minutie, il note les contretemps, les rencontres, les haltes, les disputes et même un rendez-vous manqué, nous plongeant ainsi dans l’art de voyager à la romaine.
Derniers kilomètres vers Brindes. La pluie détrempe les chemins, une ville prétend faire fondre l’encens sans feu… et Horace arrive enfin à destination.
Inde Rubos fessi peruenimus, utpote longum
carpentes iter et factum corruptius imbri.
Postera tempestas melior, uia peior ad usque
Bari moenia piscosi ; dein Gnatia lymphis
iratis exstructa dedit risusque iocosque,
dum flamma sine tura liquescere limine sacro
persuadere cupit. Credat Iudaeus Apella,
non ego ; namque Deos didici securum agere aeuom
nec, siquid miri faciat natura, deos id
tristis ex alto caeli demittere tecto.
Brundisium longae finis chartaeque uiaeque est.
Puis nous parvenons à Rubi, très fatigués, car nous avions dévidé une longue route que, de surcroît, la pluie avait abîmée. Le lendemain, le temps fut meilleur, le chemin pire, jusqu’aux murs de la poissonneuse Barium. Ensuite Egnatia, ville bâtie en dépit des nymphes, nous donna lieu de rire et de plaisanter : car elle veut persuader aux gens que l’encens posé sur le seuil du temple se liquéfie sans le secours du feu. Que le Juif Apella le croie ; moi, point, car j’ai appris que les dieux passent leur temps dans un continuel repos et que, s’il est des phénomènes extraordinaires produits par la nature, ce n’est pas eux qui, pour tromper leur ennui, nous les envoient du haut du plafond céleste. Brindes est le terme de cette longue pièce et de ce long voyage.
Horace, Satires, I, 5, v. 94-104,
texte établi et traduit par François Villeneuve,
« C.U.F. – série latine », Les Belles Lettres, 1932 (2023)