En voyage avec Horace (Jour 4)

17 juillet 2025
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Image : En voyage avec Horace
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L’été est là, et avec lui la possibilité du départ, du chemin à suivre, de l’horizon à rejoindre. Pour accompagner la saison, La Vie des Classiques vous propose une série de textes antiques autour du voyage, réel ou imaginaire, terrestre ou spirituel, tantôt éprouvant, tantôt initiatique. Des errances d’Io aux haltes d’Horace, de la quête du Nil racontée par Hérodote aux traversées d’Apollonios de Rhodes, en passant par les lettres de Jérôme et de Sidoine Apollinaire, ces extraits choisis vous feront parcourir le monde antique au rythme de celles et ceux qui l’ont foulé, rêvé ou fui. Chaque semaine, un ou deux auteur(s), des textes, cinq étapes. Bonnes pérégrinations !

Horace (65-8 av. n. è.) raconte, dans le passage des Satires que nous vous proposons de lire cette semaine, un voyage réel effectué en compagnie de Mécène, Virgile et d’autres proches, entre Rome et Brindes. Avec humour et minutie, il note les contretemps, les rencontres, les haltes, les disputes et même un rendez-vous manqué, nous plongeant ainsi dans l’art de voyager à la romaine.

 

Les collines de l’Apulie, une maison enfumée, un rendez-vous raté et un songe inattendu : cette étape est marquée par la fatigue, l’attente… et quelques mésaventures plus intimes.

Incipit ex illo montis Appulia notos
ostentare mihi, quos torret Atabulus et quos
nunquam erepsemus, nisi nos uicina Triuici
uilla recepisset lacrimoso non sine fumo,
udos cum foliis ramos urente camino.
Hic ego mendacem stultissimus usque puellam
ad mediam noctem exspecto ; somnus tamen aufert
intentum Veneri ; tum inmundo somnia uisu
nocturnam uestem maculant uentremque supinum.
Quattuor hinc rapimur uiginti et milia raedis,
mansuri oppidulo, quod uersu dicere non est,
signis perfacile est : uenit uilissima rerum
hic aqua, sed panis longe pulcherrimus, ultra
callidus ut soleat umeris portare uiator.
Nam Canusi lapidosus, aquae non ditior urna :
qui locus a forti Diomede est conditus olim.
Flentibus hinc Varius discedit maestus amicis.

Au sortir de là, l’Apulie commence à montrer ses montagnes si connues de moi, que dessèche l’Atabule et dont jamais nous n’aurions pu faire la pénible ascension si, dans le voisinage de Trivicum, une maison rustique ne nous eût accueillis, non sans une fumée qui tirait des larmes, car, dans le foyer, brûlaient des rameaux humides avec leurs feuilles. Là, dans ma triple sottise, j’attends jusqu’au milieu de la nuit une donzelle menteuse ; cependant le sommeil me prend, tout tendu par l’appel de Vénus ; et, pendant que je dors sur le dos, les visions d’un songe impur souillent mon vêtement de nuit et mon ventre.

De là nous sommes emportés l’espace de vingt-quatre milles par des voitures gauloises, pour faire halte dans une petite ville dont le nom se refuse au vers, mais qu’il est très facile de désigner : la plus commune des choses, l’eau, s’y vend, mais le pain y est tout à fait beau, si bien que le voyageur avisé a l’habitude d’en charger ses épaules pour continuer sa route, car, à Canusium, le pain est dur comme pierre, sans qu’on trouve une urne d’eau de plus dans cette localité que fonda jadis le vaillant Diomède. Dans cette ville, Varius désolé se sépare de ses amis en pleurs.

 

Horace, Satires, I, 5, v. 77-93,
texte établi et traduit par François Villeneuve,
« C.U.F. – série latine », Les Belles Lettres, 1932 (2023)