[CALENDRIER 2025] Jour 17 – porticus (Dorian Flores)

17 décembre 2025
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Décembre sous le signe des mots grecs et latins !
Cette année, du 1ᵉʳ au 24 décembre, La Vie des Classiques vous propose un voyage quotidien au cœur des langues anciennes. Chaque jour, un mot grec ou latin – choisi pour sa beauté, son étrangeté, sa force évocatrice ou son actualité – sera présenté par l’un·e de nos auteur·trice·s. Étymologie, usages, petites histoires, dérivés modernes, sens perdus ou retrouvés… Ces mots ouvrent une fenêtre sur la manière dont les Anciens pensaient le monde, et sur la façon dont leurs mots continuent d’habiter le nôtre.

porticus

En latin, porticus désigne d’abord une galerie couverte à colonnades, espace de passage autant que d’abri, de rencontre et de discussion. Le terme sert de calque au grec στοά (stoa) ; à Athènes, l’une de ces galeries, la στοά ποικίλη (stoa poïkilè), fut d’ailleurs le lieu où le philosophe Zénon enseignait, si bien que ceux qui s’y rassemblaient prirent le nom de Stoïciens, et leur doctrine celui de stoïcisme. Lorsqu’elle fut importée à Rome, cette philosophie put alors être comprise, en latin, comme une véritable « philosophie du Portique ». Les auteurs latins parlent même parfois de porticus Stoicorum, « portique des Stoïciens [= des gens du Portique] », comme si la langue insistait, avec un léger pléonasme, sur le lien indissoluble entre le lieu et la doctrine. Voilà pourquoi j’aime ce mot : il raconte à lui seul un transfert culturel et sémantique, des colonnes aux idées, puis aux mots chargés d’en assurer la circulation.
Cicéron parlait de la philosophie, toute grecque, comme d’une doctrina aduenticia, une « culture venue d’ailleurs » (De l’orateur, III, 135). Lire porticus, c’est sentir ce déplacement : du grec vers le latin, d’Athènes vers Rome, des pierres vers les concepts. Le portique n’est alors plus seulement un lieu où l’on marche, mais un véritable cadre intellectuel, un espace de réflexion.
Et aujourd’hui ? Nous pouvons encore chercher à Athènes l’ombre de la στοά ποικίλη ou du porticus poecile ; mais nous n’y retrouvons ni ses colonnes, ni ses couleurs, ni les voix des philosophes qui l’arpentaient. N’y demeure que l’essentiel : la mémoire d’un lieu libéré de sa matière, et d’une pensée qui, passée dans les mots, continue de circuler à travers les langues, les espaces et les époques.
 

Image : Reconstitution de la stoa poikilè dans Assassin's Creed: Odyssey

Reconstitution de la stoa poikilè dans Assassin's Creed: Odyssey
Source : Assassin's Creed Wiki / © Ubisoft

Dorian Flores