Décembre sous le signe des mots grecs et latins !
Cette année, du 1ᵉʳ au 24 décembre, La Vie des Classiques vous propose un voyage quotidien au cœur des langues anciennes. Chaque jour, un mot grec ou latin – choisi pour sa beauté, son étrangeté, sa force évocatrice ou son actualité – sera présenté par l’un·e de nos auteur·trice·s. Étymologie, usages, petites histoires, dérivés modernes, sens perdus ou retrouvés… Ces mots ouvrent une fenêtre sur la manière dont les Anciens pensaient le monde, et sur la façon dont leurs mots continuent d’habiter le nôtre.
lympha
En poésie latine, principalement chez des auteurs comme Lucrèce et Virgile (Ier siècle avant notre ère), la lympha désigne le liquide aqueux qui s’écoule, à savoir l’eau. Ce terme vient du grec ancien λέμφος (lemphos) qui désigne la « morve épaisse » ou le fait d’être morveux. Autrement dit, il s’agit d’une sécrétion humaine, naturelle, qui s’écoule en quelque sorte malgré l’individu. En cela la lympha, qui peut désigner l’eau, se distingue de termes plus usuellement employés comme aqua. En effet, lympha est un terme plus rare, que l’on retrouve essentiellement en poésie latine, pour désigner le liquide en tant qu’il émane de l’être humain. Une telle dimension apparaît de manière particulièrement claire à travers les sept épigrammes successives que le poète Claudien (IVe siècle de notre ère) consacre au cristal[1]. Il présente alors le cristal comme étant issu de lymphae, quae tegitis cognato carcere lymphas (« lymphes qui recouvrez des lymphes en un cachot jumeau », poème 34, v. 6). Autrement dit, Claudien décrit le cristal comme le résultat d’une accumulation successive de couches de liquides répandus. Or, la lympha se rapporte à une origine humaine : en employant ce terme, le poète ne se désignerait-il alors pas en train de lui-même répandre des couches successives de lymphae – à savoir métaphoriquement les vers qui coulent de son esprit – pour donner vie au cristal à l’issue de son poème ?
[1] Claudien, Œuvres. Petits poèmes. Tome IV, éd. et trad. Jean-Louis Charlet, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 2018, p. 60-63
Le cristal formé par couches successives de lymphae
Source : Wikimedia
Adrien Bresson