Anthologie – Les auspices (Cicéron)

21 juin 2022
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Image : Couverture de Cicéron, De la divination I
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XLVII. 105 Quid de auguribus loquar ? Tuae partes sunt, tuum, inquam, auspiciorum patrocinium debet esse. Tibi App. Claudius augur consuli nuntiauit addubitato salutis augurio bellum domesticum triste ac turbulentum fore ; quod paucis post mensibus exortum paucioribus a te est diebus oppressum. Cui quidem auguri uehementer adsentior ; solus enim multorum annorum memoria non decantandi augurii, sed diuinandi tenuit disciplinam. Quem inridebant collegae tui eumque tum Pisidam, tum Soranum augurem esse dicebant ; quibus nulla uidebatur in auguriis aut praesensio aut scientia ueritatis futurae ; sapienter aiebant ad opinionem imperitorum esse fictas religiones. Quod longe secus est ; neque enim in pasto- ribus illis quibus Romulus praefuit nec in ipso Romulo haec calliditas esse potuit ut ad errorem multitudinis religionis simulacra fingerent. Sed difficultas laborque discendi disertam neglegentiam reddidit ; malunt enim disserere nihil esse in auspiciis quam quid sit ediscere. 106 Quid est illo auspicio diuinius quod apud te in Mario est ? ut utar potissumum auctore te :

Hic Iouis altisoni subito pinnata satelles
arboris e trunco, serpentis saucia morsu,
sub
rigit ipsa feris transfigens unguibus anguem
semanimum et uaria grauiter ceruice micantem.
Quem se intorquentem lanians rostroque cruentans,
iam satiata animos, iam duros ulta dolores,
abiecit ecflantem et laceratum adfligit in unda
seque obitu a solis nitidos conuertit ad ortus.
Hanc ubi praepetibus pinnis lapsuque uolantem
conspexit Marius, diuini numinis augur,
faustaque signa suae laudis reditusque notauit,
partibus intonuit caeli pater ipse sinistris.
Sic aquilae clarum firmauit Iuppiter omen.

XLVIII. 107 Atque ille Romuli auguratus pastoralis, non urbanus fuit, nec fictus ad opiniones imperitorum, sed a certis acceptus et posteris traditus. Itaque Romulus augur, ut apud Ennium est, cum fratre item augure

curantes magna cum cura, tum cupientes
regni dant operam simul auspicio augurioque.
†In monte† Remus auspicio se deuouet atque secundam
solus auem seruat ; at Romulus pulcher in alto
quaerit Auentino, seruat genus altiuolantum.
Certabant, urbem Romam Remoramne uocarent ;
omnibus cura uiris uter esset induperator.
Expectant, ueluti consul cum mittere signum
uolt, omnes auidi spectant ad carceris oras,

108 quam mox emittat pictis e faucibus currus :
sic expectabat populus atque ore timebat
rebus, utri magni uictoria sit data regni.
Interea sol albus recessit in infera noctis.
Exin candida se radiis dedit icta foras lux,
et simul ex alto longe pulcherruma praepes
laeua uolauit auis. Simul aureus exoritur sol,
cedunt de caelo ter quattuor corpora sancta
auium, praepetibus sese pulchrisque locis dant.
Conspicit inde sibi data Romulus esse priora,
auspicio regni stabilita scamna solumque.

XLVII. 105 Que dirai-je des augures ? C’est ton rôle, c’est à toi, je l’affirme, de défendre les auspices. Sous ton consulat, l’augure Appius Claudius t’annonça que, l’augure du salut ayant été jugé douteux, une funeste guerre civile allait troubler la cité ; celle-ci débuta peu de mois après, mais tu l’étouffas en encore moins de jours. Cet augure, je l’approuve vigoureusement : seul en effet depuis de nombreuses années, il a conservé l’art, non pas de rabâcher des formules augurales, mais de pratiquer la divination. Tes collègues se moquaient de lui et l’appelaient l’augure de Pisidie ou de Sora ; selon eux, il n’y avait dans l’art augural ni prévision ni connaissance de la vérité future ; ils disaient que les pratiques religieuses ont été sagement inventées pour s’adapter aux croyances des ignorants. Il en va tout autrement ; en effet, il ne pouvait y avoir ni chez les bergers que commandait Romulus, ni chez Romulus lui-même la ruse qui consiste à inventer des simulacres de religion pour tromper la foule. Mais la difficulté et la fatigue d’apprendre ont rendu la négligence discoureuse : ils préfèrent soutenir qu’il n’y a rien dans les auspices plutôt que d’apprendre exactement ce qu’ils sont. 106 Qu’y a-t-il de plus divin que cet auspice figurant dans ton Marius (pour faire appel de préférence à ton témoignage) ?

« Alors, soudain, le serviteur ailé de Jupiter tonnant-dans-les-hauteurs, blessé par la morsure du serpent, arrache au tronc de l’arbre, en le transperçant de ses serres cruelles, le reptile à demi mort dont la nuque mouchetée palpite avec violence. Cet adversaire qui se tortille, il le lacère de son bec et le met en sang ; puis, ayant désormais assouvi sa colère, désormais vengé son âpre douleur, il le relâche expirant et jette à l’eau son corps déchiré ; il se tourne alors du couchant vers les clartés de l’orient. Quand Marius, augure de la volonté divine, le vit glissant d’une aile rapide, dans un vol favorable, et qu’il remarqua cet heureux signe de son glorieux retour, le Père des dieux lui-même tonna dans la partie gauche du ciel. Ainsi Jupiter confirma l’éclatant présage de l’aigle. »

XLVIII. 107 Quant au fameux augurat de Romulus, il fut celui d’un berger, non d’un citadin ; il ne fut pas inventé d’après les croyances des ignorants, mais reçu d’hommes sûrs et transmis à la postérité. Ainsi, chez Ennius, l’augure Romulus et son frère, lui-même augure :

« avec soin, avec grand soin, et dans un ardent désir du trône, donnent en même temps leur attention aux auspices et aux augures. Sur la colline Rémus se consacre aux auspices et guette tout seul un oiseau favorable ; de son côté le beau Romulus demande des signes sur le sommet de l’Aventin et guette la race au-vol-élevé. L’objet de leur conflit était le nom de la ville : Rome ou Rémore ; tous les hommes avaient souci de savoir à qui des deux reviendrait le pouvoir suprême. Ils attendent ; ainsi, quand le consul est prêt à donner le signal, tous regardent avidement vers la sortie des loges de départ : 108 de l’étroite ouverture bariolée, laissera-t-il bientôt s’élancer les chars ? Ainsi attendait le peuple et sur les visages on lisait la crainte des événements, l’inquiétude de savoir à qui des deux serait donnée la victoire, gage d’un grand règne. Cependant le blanc soleil se retira dans les profondeurs de la nuit. Puis l’aurore éclatante, frappée par les rayons, se montra au dehors et en même temps, dans les hauteurs, au loin, un oiseau favorable, d’un très bel augure, vola sur la gauche. Au moment où paraît le soleil d’or descendent du ciel trois fois quatre corps sacrés d’oiseaux et ils se portent vers des lieux favorables et de bon augure. Alors Romulus constate que la primauté lui est accordée : l’auspice a affermi le socle, la base de son trône. »

Cicéron, De la divination, I, XLVII-XLVIII
C.U.F., Les Belles Lettres
ed. et trad. François Guillaumont