D’ailleurs, je me demande, pour ma part, avec étonnement si ceux qui tiennent pour intolérable d’être incriminés – et, circonstance aggravante, non par des hommes vertueux, mais par des individus fort méprisables, pour ne pas dire par des bêtes sauvages – tiennent pour bienheureuse la vie qu’ont menée et mèneront des gens qui, nonobstant leur perversité extrême, sont lavés de calomnies, voire ne sont pas le moins du monde calomniés dans de tels régimes ; et <je me demande> également si ces personnes ne considèrent pas que même la vie des êtres les plus sensés est misérable s’il est vrai que basculer dans des situations de cette sorte est un malheur pour qui du moins anticipe qu’il pourrait bien être concerné aussi lui-même, puisque c’est affaire de hasard ! Il est d’ailleurs indéniable que peuvent supporter pareilles situations avec noblesse ceux qui parmi les hommes l’emportent en vertu, au point que parmi les simples particuliers aussi il est possible d’en observer certains qui non seulement les supportent avec beaucoup d’endurance, mais vont jusqu’à tourner le dos avec mépris à ceux qui les maltraitent. Passons en effet sous silence ce que <firent> Socrate, Zénon d’Elée ou Anaxarque, au dire de quelques historiens, et quelques autres parmi ceux qui ont fait profession de philosopher.
Philodème de Gadara, Sur la mort, IV, 114, 11-34
C.U.F., Les Belles Lettres
trad. Daniel Delattre