Anthologie – Calliope étymologiste (Ovide)

31 mai 2022
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Image : Couverture d'Ovide, Les Fastes, IV-VI
Texte :

Ovide, dont les Fastes relatent les origines des mois et des fêtes du calendrier romain, se trouva bien embêté lorsque le mois de mai fut arrivé. Interrogeant les Muses sur l'origine du nom de ce mois au tout début du chant V, trois réponses différentes lui sont alors délivrées : tandis que Polymnie rapproche Maius de Maiestas (Majesté), Uranie penche plutôt pour un lien avec les Maiores (Anciens) des premiers temps de Rome. C'est alors Calliope qui prend la parole dans un troisième temps, passage que La Vie des Classiques vous propose aujourd'hui de lire.

Tunc sic, neglectos hedera redimita capillos,
   Prima sui coepit Calliopea chori :
« Duxerat Oceanus quondam Titanida Tethyn,
   Qui terram liquidis, qua patet, ambit aquis.
Hinc sata Pleione cum caelifero Atlante
   Iungitur, ut fama est, Pleiadasque parit.
Quarum Maia suas forma superasse sorores
   Traditur et summo concubuisse Ioui.
Haec enixa iugo cupressiferae Cyllenes
   Aetherium uolucri qui pede carpit iter.
Arcades hunc Ladonque rapax et Maenalos ingens
   Rite colunt, luna credita terra prior.
Exul ab Arcadia Latios Euander in agros
   Venerat, impositos attuleratque deos.
Hic, ubi nunc Roma est, orbis caput, arbor et herbae
   Et paucae pecudes et casa rara fuit.
Quo postquam uentum est, "Consistite !", praescia mater
   "Nam locus imperii rus erit istud" ait.
Et matri et uati paret Nonacrius heros
   Inque peregrina constitit hospes humo.
Sacraque multa quidem, sed Fauni prima bicornis
   Has docuit gentes alipedisque dei.
Semicaper, coleris cinctutis, Faune, Lupercis,
   Cum lustrant celebres uerbera secta uias.
At tu materno donasti nomine mensem,
   Inuentor curuae, furibus apte, fidis.
Nec pietas haec prima tua est : septena putaris,
   Pleiadum numerum, fila dedisse lyrae. 
»
Haec quoque desierat : laudata est uoce suarum.

Alors, à la tête de son chœur, Calliope, couronnée de lierre et cheveux épars, s’exprima ainsi : « Océan qui entoure de ses eaux limpides la terre, sur toute son étendue, épousa jadis la Titanide Téthys. Leur fille Pleionè s’unit, selon la légende, au porteur du ciel Atlas et mit au monde les Pléiades. Parmi elles, Maia surpassa, dit-on, ses sœurs en beauté et partagea la couche du grand Jupiter. Sur le sommet du Cyllène planté de cyprès, elle donna le jour au dieu qui de ses pieds ailés parcourt les voies célestes. Il est honoré selon les rites par l’Arcadie, l'impétueux Ladon et l’immense Ménale — une terre réputée plus ancienne que la Lune. Chassé de l’Arcadie, Evandre était venu dans le pays du Latium et avait emporté sur ses nefs ses dieux. Là où se trouve aujourd’hui Rome, capitale du monde, n’existaient que des arbres et de l’herbe, quelques troupeaux, des cabanes éparses. Arrivée à cet endroit, sa mère qui savait l’avenir dit : « Arrêtez-vous, car cette campagne sera le siège d’un empire ». Obéissant à sa mère en même temps qu’à la prophétesse, le héros de Nonacris s’installe en hôte dans la terre étrangère. Il apprit à ces peuples de nombreux cultes, mais en premier lieu celui de Faunus aux deux cornes et celui du dieu aux pieds ailés. Faunus qui es à moitié bouc, tu es honoré par les Luperques court-vêtus, quand ils purifient avec des lanières de peau la foule des badauds. Quant à toi, inventeur de la lyre courbe, complice des voleurs, tu as donné le nom de ta mère à ce mois. Ce n'est pas la première fois que tu fis preuve de piété : tu passes pour avoir donné à la lyre sept cordes, le chiffre des Pléiades. » Elle aussi avait terminé ; elle fut approuvée par la voix de ses compagnes.

Ovide, Fastes, V, v. 79-107
C.U.F., Les Belles Lettres
ed. et trad. Robert Schilling