Sororité

7 mars 2023
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Image : Edito Mars 2023
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Amis des Classiques, célébrons les femmes !

En France, la journée internationale des droits des femmes n’est pas un jour férié. Pourtant la mythologie et la religion antiques sont féconds en fêtes somptueuses organisées par et pour les femmes en général et les jeunes filles en particulier. C’est aux jeunes filles en fleurs de tresser les couronnes (fr. 70, édition Reinach), rappelle celle qui les a tant aimées, la poétesse Sappho.

Dans le cercle privé comme dans la sphère publique, ce sont les femmes qui chantent et qui dansent, qui portent l’esprit de la fête. Parmi elles les plus jeunes ont le privilège de tresser des couronnes et leurs beaux cheveux à l’image des caryatides du Parthénon dont l’immense chevelure soutient les murs. À Athènes aujourd’hui nous pouvons encore admirer ces statues de femmes, piliers de la démocratie et de la culture.

La langue grecque comporte plusieurs mots pour dire la jeune fille, signe de la place et de l’importance qui lui sont accordées, et encore plus pour désigner des divinités semblables à des jeunes filles, comme les Grâces, les Heures ou les Saisons, les Naïades, les Dryades, les Pléiades, les Hespérides et les Néréides, sans parler des héroïnes qui, d’Antigone, la révoltée, à Psyché, dont le dieu de l’Amour tombe amoureux, sont toutes des jeunes filles. Ulysse ne serait pas lui-même sans les conseils d’Athéna, de Nausicaa, de Circé et de la tendre Calypso. Il y a tout d’abord numphè qui désigne à la fois la jeune fille et la nymphe, si bien que, dans l’imaginaire des Grecs, toutes portent en elle quelque chose de divin. À côté de la numphè divine, il y a la korè, celle qui n’a pas fini de grandir, la parthénos, celle qui ne veut pas se marier tout de suite ou encore hora, la resplendissante, littéralement celle qui est « à la bonne heure, au sommet de son épanouissement ». Le français, à côté, fait figure de parent pauvre avec les composés de « fille » (petite, jeune, vieille) qui s’entendent toujours comme la fille de quelqu’un de même que la femme peut à tout instant devenir la « femme de ».

Au Panthéon et dans la vie des mortels, les jeunes filles occupent une place puissante. Tandis qu’Athéna règne sur les villes et Artémis sur la nature sauvage, Perséphone règne non seulement sur les Enfers mais aussi sur les saisons : la jeune fille gouverne la vie et la mort. Petite déesse du printemps à la beauté parfaite, de son autre nom Koré (le mot grec qui désigne l’âge entre la fin de l’enfance et le début de l’adolescence), cueillant des fleurs, est cueillie par Hadès le dieu des Enfers. Elle demande et obtient de revenir sur Terre pour voir sa mère Démèter, la déesse des récoltes : à son approche la nature refleurit mais, quand elle retourne au domicile conjugal et infernal, le monde des vivants s’enfonce dans l’automne puis l’hiver jusqu’au retour du printemps suivant. Enfin, dernière arrivée parmi les jeunes filles en fleurs du Panthéon, Ariane est la déesse de la fête. Mortelle devenue immortelle, la jeune fille préside à toutes les festivités auxquelles elle donne les premières couronnes. C’est lors de son mariage avec le dieu de la fête lui-même, Dionysos, que la couronne de roses ornant son banquet nuptial est jetée au ciel pour devenir la constellation aussi appelée Couronne d’Ariane ou Couronne boréale. La couronne de la jeune fille devient alors céleste, festive et sacrée.

Amis des Classiques, battantes, militantes, mortelles ou infernales, antiques ou d’aujourd’hui, célébrons les jeunes filles de tout âge !