Amis des Classiques, descendons aux Enfers !
Maintenant que les feuilles se racornissent et que la sève lentement s’en retire, apparaîssent enfin les précieuses couleurs de cuivre, d’argent et d’or de la nature. Maintenant que les grenades rosissent comme les joues des jeunes gens, Koré, la divine jeune-fille, sait qu’il est temps.
Il est temps de quitter la lumière et les bras blancs de sa mère la blonde Déméter pour rejoindre le monde des morts et les baisers infernaux de son époux Hadès. Selon la mythologie, le séjour infernal ne dure que quelques mois, avant que Perséphone à nouveau gagne le monde des vivants pour leur apporter le printemps ainsi que la joie à sa mère Déméter. Ce mythe, comme tous les mythes, se lit de multiples manières, toutes à même de faire germer un peu de sagesse, dont celle-ci : afin de préparer l’avenir, la saison future, la déesse retourne écouter les voix du passé. Il en va de même de tous les héros qui vont aux Enfers comme Énée ou à leur entrée comme Ulysse et qui, grâce à la parole des morts, construisent de glorieux lendemains.
Notre société qui met un acharnement particulier à tuer et à s’entretuer (le temps, la planète, les autres espèces, les idéaux, les humanités et, de proche en proche, l’humanité…) a naturellement très peur de la mort en général et des morts en particulier qui auraient bien des raisons de se venger, si bien que la fête des défunts, quel que soit le nom qu’elle prenne, n’est plus une occasion de se souvenir des morts mais une superficielle mascarade sucrée.
Amis des Classiques, écoutons la sagesse de Perséphone qui nous dit que l’avenir des vivants se sculpte dans la glaise des morts : descendons aux Enfers... et ne nous privons pas de quelques bonbons !
Illustration de Djohr