Anthologie - Flora, Ovide et le printemps

22 mars 2021
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Pour que ce printemps nous soit faste, écoutons les mots de Flora au poète Ovide dans Les Fastes, des extraits à retrouver dans le Signet Flora de Delphine Lauritzen. Et pout en écouter quelques extraits, il suffit de cliquer ici

Toujours dans le cadre de la conversation fictionnelle entre Flora la déesse des fleurs et le poète, l’apanage de la nymphe se trouve défini comme les espaces dont prend soin la main de l’homme, par opposition à la force brute de la nature sauvage. Fleurs de jardin et fleurs des champs s’épanouissent donc sous sa protection.

CHASSE GARDÉE

« Il y a encore un détail sur lequel il me reste à t’interroger, si tu le permets, dis-je. – Je le permets, répondit-elle. – Pourquoi tes filets ne capturent-ils, au lieu de lionnes de Libye, que des chevreuils inoffensifs et des lièvres peureux ? » Elle me répondit qu’elle n’avait pas reçu en partage les forêts, mais les jardins et les champs inaccessibles aux bêtes féroces.

Les Fastes, V, 369-374

Flora proclame l’importance fondamentale de son rôle : l’éclosion des fleurs, sans lesquelles il ne saurait y avoir de fruits, garantit la subsistance du genre humain. Sans fleurs point de blé, de vin, d’huile, ni de fèves de toutes sortes, qui sont à la base de l’alimentation. La fleur de vin donne au breuvage son goût. Le miel est aussi l’un des dons de Flora.

LES FRUITS TIENNENT LA PROMESSE DES FLEURS

« Tu crois peut-être que mon empire se borne aux délicates couronnes ? Mon pouvoir s’étend aussi aux champs cultivés. Si les blés ont bien fleuri, l’aire regorgera ; si la vigne2 a bien fleuri, Bacchus° nous donnera son vin ; si les oliviers2 ont bien fleuri, la récolte est magnifique, et les fruits tiennent la promesse des fleurs. Si les fleurs sont une fois blessées, c’est la mort des vesces et des fèves, la mort de tes lentilles, ô Nil étranger ! Les vins, qu’on a emmagasinés à grand-peine dans de vastes celliers, fleurissent eux aussi, et une mousse recouvre leur surface dans les jarres. Le miel est mon présent : c’est moi qui appelle sur la violette, le cytise2 et le thym2 blanc les insectes ailés qui donneront le miel. C’est encore moi qui suis à l’œuvre quand, au cours des jeunes années, les âmes sont fougueuses et les corps robustes. »

Les Fastes, V, 261-274

Le poète associe Flora à la civilisation. La déesse répand en effet ses guirlandes et ses couronnes lors de toutes les occasions plaisantes des mœurs humaines. Le cothurne dont il est fait mention était une chaussure à plate-forme symbolisant le théâtre tragique.

CHARMANTE

J’étais prêt à demander pourquoi, dans ces jeux [les Floralia], la licence est plus grande et les plaisanteries plus libres, mais je m’avisai que la déesse n’est pas une divinité austère et que ses dons conviennent à nos plaisirs. Les tempes des dîneurs sont ceintes de couronnes tressées, et la table resplendissante disparaît sous une pluie de roses2 ; ivre, la chevelure ceinte de l’écorce de tilleul, le buveur danse et, sans le savoir, il exerce un art que le vin lui enseigne ; ivre, l’amoureux chante sur le seuil cruel de sa belle, et sa chevelure parfumée porte de souples guirlandes. Le front couronné, on ne fait rien de sérieux ; ce n’est pas de l’eau pure qu’on boit, quand on est ceint de fleurs. Tant que ton onde, Achéloüs°, ne fut pas mélangée au jus de la grappe, on n’avait aucun plaisir à cueillir la rose. Bacchus° aime les fleurs ; à Bacchus plaisent les couronnes : la couronne d’Ariane° peut te l’apprendre.

Les spectacles légers conviennent à Flora° : il ne faut pas la compter, croyez-moi, parmi les déesses qui chaussent le cothurne. Mais pourquoi la foule des prostituées célèbre-telle ces jeux, il n’est pas difficile d’en découvrir la raison : la déesse n’est pas de ces divinités sévères, qui affichent de grandes prétentions ; elle veut que son culte soit accessible à la foule plébéienne, et elle nous invite à jouir de la beauté de l’âge, tant qu’il est dans sa fleur : quand la rose est flétrie, on dédaigne les épines.

Les Fastes, V, 331-349