Remedia Morbis - IV. Anthologie de textes contre la calvitie

Texte :

Tous les quinze jours, Nicola Zito vous invite à découvrir les remèdes médicaux les plus curieux des Anciens, entre science, magie, astrologie et superstition. Libre à vous de les expérimenter !

1. Synésios de Cyrène, Éloge de la calvitie, I, 2-3

Les philosophes pleurent aussi…

Pour moi, quand commença mon malheur, et que mes cheveux se mirent à tomber, « je fus mordu au plus profond du cœur » ; puis, comme mon mal s’accroissait, que mes cheveux tombaient l’un après l’autre, puis deux par deux, puis en foule ; que l’âpreté du combat devenait manifeste, et que ma tête était livrée à la dévastation, alors, oui alors je pensai subir des épreuves pires que celles qu’endurèrent les Athéniens par la volonté d’Archidamos, lorsqu’il fit couper les arbres des Acharniens, et bien vite j’apparus comme un de ces Eubéens négligés que le Poète a envoyés en expédition contre Troie « avec les cheveux en arrière de la tête ». Alors quel dieu, quel démon n’ai-je pas omis d’accuser ? Je me laissais même entraîner à composer un éloge d’Epicure, non que j’éprouvasse les mêmes dispositions que lui envers les dieux, mais afin de pouvoir, moi aussi, les mordre le plus profondément possible, en guise de représailles. Je me disais en effet : « Où est la Providence, quand nul n’est traité selon son mérite ? Et quelle faute ai-je commise pour paraître plus disgracieux aux femmes ? » Rien de grave s’il s’agit des femmes du voisinage : en effet, envers Aphrodite je suis des plus stricts, et j’en remontrerais même à Bellérophon pour la tempérance. Mais même une mère, même des sœurs, dit-on, font quelque cas de la beauté des mâles <de leur famille>.

Synésios de Cyrène, Opuscules (I), éd. par J. Lamoureux et N. Aujoulat, Paris, Les Belles Lettres, 2004, p. 48-49.

2. Problèmes hippocratiques, 118-119

Pourquoi devient-on chauve ?

Pourquoi ceux qui jeûnent perdent-ils leur barbe ? C’est parce que le jeûne produit de la sécheresse et par la sécheresse force les poils à tomber et à se détacher ; mais cela ne se produit absolument pas à lui seul, mais du fait que le jeûne dessèche la cause de la pousse des poils, c’est-à-dire l’humidité dans le cerveau qui est proportionnée.

Et si c’est vraiment à cause de la sécheresse que l’on perd ses poils, comment se fait-il que les vieillards soient chauves ? Tout excès et tout manque cause d’habitude une affection. De même que chez ceux qui jeûnent l’excès de sécheresse cause une affection, en provoquant la chute des poils, de même précisément chez les vieillards l’excès d’humidité produit naturellement le même effet. Et considère la vérité de cela à partir des terrains fort secs et au contraire fort humides qui sont tout à fait inaptes à la production.

Problèmes hippocratiques, éd. par J. Jouanna et A. Guardasole, Paris, Les Belles Lettres, 2017, p. 52.

3. Firmicus Maternus, Mathesis, IV, 19, 7

Pourvu que Saturne ne s’en mêle pas !

Mais ces maux seront encore plus marqués s’il s’agit d’une géniture nocturne et si c’est la Lune privée de lumière qui lui (sc. à Saturne) a attribué la maîtrise de la géniture ; dans ce cas, en effet, Saturne dénude la tête en raréfiant les cheveux, ou il donne des gens chauves dont les cheveux tombent de façon gênante, dont les regards sont généralement arrêtés par des cécités soudaines, ou dont les regards perdent leur perçant à la suite d’écoulements perpétuels.

Firmicus Maternus, Mathesis (Livres III-V), éd. par P. Monat, Paris, Les Belles Lettres, 1994, p. 181.

4. Galien, Médicaments composés selon les lieux, I, 2 (XII, p. 430, 7-15 Kühn)

Un remède d’Héras contre la chute des cheveux

Dans La Boîte à remèdes, Héras a rédigé les deux remèdes contre la chute des cheveux qui sont cités textuellement ci-dessous. Broyez du ladanum tout en le macérant dans du vin sec et en versant en outre, tour à tour, de l’huile de myrte et du vin, de manière à obtenir la consistance du miel, et oignez-en la tête avant et après le bain. Mais il vaut mieux ajouter aussi du capillaire, que certains appellent également adiante, en quantité moitié moindre que le ladanum, et de s’en servir avec de l’huile de myrte ou avec du nard.

5. Galien, Médicaments composés selon les lieux, I, 2 (XII, p. 432, 13 à 433, 2 Kühn)

Un remède de Cléopâtre pour la pousse des cheveux

Voici comment se présentent, selon les propres mots de Cléopâtre, les remèdes écrits dans son Kosmètikon. Pour la pousse des cheveux : coupez les racines de tendres acores et extrayez-en le suc ; faites griller des mouches et mélangez dans une bouillie ; broyez ensemble de la graisse d’ours et de l’huile de cèdre et mélangez au reste, puis administrez en onction. Pour atténuer l’odeur, mélangez-y du vin ou du moût de raisin.

6. Lapidaire orphique, v. 244-259

La corne de cerf : une pierre aux multiples usages

Cherche aussi cette merveille, la corne du cerf, et lorsque tu l’auras, approche des immortels ; car les dieux célestes ont un sourire bienveillant quand ils voient dans la nature une œuvre d’un grand art. Elle est corne sans doute : il en pousse d’analogues sur la tête des cerfs aux pattes allongées ; mais il n’est point de crâne sur lequel pousse une pierre ; toujours est-il que cette corne a la dureté d’une pierre. On ne pourrait savoir s’il s’agit d’une corne impeccable ou encore d’un minéral avant d’avoir découvert au toucher qu’elle est en effet une pierre sans défaut. Elle mettra sur ton crâne, si lisse qu’il puisse être, un duvet abondant ; si tu la broyes dans l’huile et appliques l’onguent chaque jour sur tes tempes, tu verras très vite refleurir sur ta tête une chevelure épaisse. Quand, à son bras robuste, un homme mène au lit des noces sa toute jeune épouse, en gage des plaisirs de l’amour, qu’il emporte avec lui cette pierre ; dans la concorde indestructible, elle les gardera tous deux jusqu’à l’extrême vieillesse, chaque jour de leur vie.

Les Lapidaires grecs, éd. par R. Halleux et J. Schamp, Paris, Les Belles Lettres, 1985, p. 95.

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