Les Sphyrènes d'Alexandrie- Cinquante nuances de Pline

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Prenons une amoureuse à Rome autour de J.-C., et une amoureuse de Lutèce après J.-C. Nous remarquons aussitôt que la principale différence entre les deux modèles tient en un titre :

Et cinquante nuances de Pline

Le capitalisme antique n’avait pas encore inventé la fête des amoureux, ni son cortège de calamités et de questions existentielles : Qu’offrir à l’élu(e) ? Que choisir ? Que choisir et que s’offrir lorsque l’on est célibataire ?[1] Les pages publicitaires étaient rares dans Papyri-Match, et encore inexistantes dans Le Papyro Madame – c’est tout dire. Le choix d’un petit cadeau a.d. XVI Kalendas Martias posait néanmoins déjà beaucoup de problèmes : Une amphora de parfum Cléo ? Un pallium en cachemire ? Une esclave thrace de basse extraction ou un mastigophore romain de bonne famille ? Un modèle réduit de galère au 1/250e ? Un autographe de Pénélope en édition limitée, certifié authentique par Maître Trajan ? Les temps passés n’ignoraient rien des affres causés par un présent aussi banal, et c’est précisément cette actualité qui rend l’étude de l’Antiquité sous toutes ses formes aussi nécessaire[2].

Or, il se trouve qu’une boutique, ayant pignon sur rue dans un quartier de Lutèce, propose à la vente the cadeau ideal, comme on dit dans la lingua franca d’aujourd’hui, celui qui réconciliera les amateurs de latin[3], les amateurs de cuisine, les amateurs d’histoire, les amateurs de science naturelle, les amateurs d’anecdotes, les amateurs d’amour et d’aphrodisiaques et les amoureux de la vie d’une manière générale. Qu’est-ce donc, Cléo, pourquoi nous tourmenter de la sorte ? Indice numéro I. Il s’agit d’un livre : a) qui évente le secret d’un philtre « si puissant, qu’il suffit que celui qui le porte regarde une femme pour être suivi par elle aussitôt » (XXVIII, 27, 12) ; b) qui révèle le secret d’un produit « qui éloigne la mauvaise odeur de la bouche » (XXVIII, 51, 1), ce qui peut toujours s’avérer utile au moment opportun ; c) qui dévoile le secret d’une poudre « qui conserve au sein sa fermeté » (XXX, 55, 1), chose qui intéressera mes lectrices au plus haut point ; d) et aussi d’un lait « qui rend la peau plus délicate » (XXVIII, 50, 1)[4] ; e) et encore d’une sorte de graisse « qui efface les rides » (XXX, 10, 3)[5] ; f) pour ne rien dire d’une poudre dépilatoire (XXXII, 47, 2)[6] ; g) d’un aphrodisiaque pour les hommes (XXX, 49)[7] ; h) d’un aphrodisiaque universel (XXI, 81) ; i) d’un produit qui rend les cheveux blonds (XXVI, 93) ; j) enfin, à usage des mariées, qui mentionne une coutume dont on ne sait trop guère pourquoi elle n’est plus en usage chez nous, ni chez les Chtis, ni chez les Bretons, ni chez les Lutéciens : « Aujourd’hui encore, les nouvelles mariées en entrant dans la demeure conjugale ont pour habitude de mettre, avec le doigt, de cette graisse aux poteaux de la porte » (XXVIII, 37, 1).

Ce cadeau de bon goût, ce cadeau qui rend beau/belle, désirable/désirable, excitant/excitante, heureuse/heureux, intelligent/intelligente, disais-je, ce cadeau idéal pour toutes les occasions, est en vente Boulevard Raspail, dans une échoppe que connaissent les amateurs éclairés. Indice  numéro II : ce n’est pas du cinéma. Indice numéro III : il est en deux parties, dans un chouette coffret. Indice numéro IV : si vous dites que vous venez de la part de Cléo, on devrait pouvoir vous en vendre un. S’il en reste.     

Bibliographie :

Indice numéro V : 9782251446196 [8]

 


[1] Sans compter la question posée plus tard par Petrus D. Progius : « L’hétérosexualité pour quoi faire ? », à laquelle nous ne tenterons pas de répondre dans l’immédiat. Pour l’instant, soyons flous.  

[2] Je pourrais m’adresser ici à une future ex-ministre en instance d’expulsion, mais à quoi bon user son calame ?

[3] Je pourrais m’adresser ici à son successeur en instance d’intronisation, mais à quoi bon user son calame ?

[4] Comment s’en passer ? 

[5] J’adore – soit dit brièvement pour ne pas user mon calame.

[6] Finie la corvée.

[7] Messieurs, merci de nous confirmer l’efficacité du produit.

[8] Indice V-bis : Non, ce n’est pas le numéro d’un compte en Helvétie.  

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