Les lauréats du Concours CICERO - Louise

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Depuis 2006, le concours international de culture antique et de langue latine Cicero (Certamen In Concordiam Europae Regionum Omnium, Concours pour la concorde entre l’Europe et les pays du monde) permet à plusieurs pays de participer simultanément à un événement qui promeut les valeurs de convivance et de paix en Europe, ainsi que les langues anciennes, selon le souhait du concepteur et directeur du concours, Patrick Voisin.

En douze questions, La Vie des Classiques vous propose de découvrir quelques lauréats du concours grâce à des entretiens qui vous feront partager la passion de ces jeunes et brillants antiquisants !

Comment vous présentez-vous : Quel âge avez-vous? Où habitez-vous? Quels sont vos hobbies ?  Les livres et la musique que vous écoutez en ce moment? 

J’ai 19 ans, j’habite à Paris et j’aime lire, écrire, la danse rock et les bandes dessinées. Je suis en train de lire Mythe et Épopée de Georges Dumézil, et je viens de commencer les Essais sur Homère de Marcel Conche, j’écoute les Kinks, les Beatles et les Andrews Sisters. 

Quand et comment avez-vous commencé à vous intéresser à l’Antiquité? Y-a-t-il eu des rencontres importantes? 

J’ai toujours beaucoup entendu parler de la Grèce, ma mère me racontait des histoires mythologiques, elle avait eu un professeur qui avait cette passion-là, il avait traduit et adapté les Tragiques et Aristophane. C’était une immense ressource de rêve, une dimension pour la poésie, et puis je suis allée en Grèce avec mes grands-parents et deux autres fois ensuite, ça m’a beaucoup marquée de la découvrir comme un pays réel, de voir les villes modernes, d’entendre la langue. Je me souvenais d’un moyen-métrage de Theo Angelopoulos, Athènes, c’est très beau comme tout est à la fois merveilleux et matériel, quotidien. Donc, ça a toujours fait partie de mon imagination mais c’est au lycée que j’ai vraiment travaillé les langues anciennes, j’ai commencé à entrer dedans. J’ai eu une professeur de grec formidable en première et en terminale (Mme Blaire) qui m’a fait faire le concours général, elle nous a tous emmenés en voyage en Grèce, à Athènes, Mycènes, Delphes, Olympie, Corinthe…

Comment s’est prise la décision d’étudier les langues anciennes? Qu’on dit vos parents? vos amis? Etudiez-vous aussi le grec?

Je ne me suis pas trop posé de questions. Mes amis en faisaient aussi, la plupart en font toujours. J’ai l’impression que cela fait partie des études, pas comme une simple option. J’ai commencé le latin en 5e et le grec en 3e. Mais ce n’était pas forcément ce que je préférais au début, il y a bien sûr un moment un peu fastidieux où on apprend les déclinaisons et les verbes, c’est après que ça devient vraiment chouette.

Où et comment les avez-vous étudiées ? Avez-vous eu des enseignants de latin/grec marquants (terriblement bons ou mauvais !)

Au collège, au lycée puis en classe préparatoire, j’étais (je suis toujours) en lettres classiques. Pour les profs… il y a une longue liste ! D’abord, au lycée, il y avait ma professeur de grec, Mme Blaire, et mon professeur de latin et de français en première (M. Richebourg). En hypokhâgne, Mme Julia, M. Chatelain, M. Bertrand qui nous faisait « lire au kilomètre », pour que ça devienne instinctif, sans s’arrêter sur chaque phrase pour la décomposer, mais en comprenant le rythme, le mouvement… et en khâgne, j’avais Mme Ozanam, tout avait l’air très lumineux !

Quel est le premier texte que vous avez traduit?

Houlà, j’aurais du mal à dire ! On traduisait de petits textes au collège, le premier était peut-être la fable de Phèdre où le lion bâfre tout au nez et à la barbe de tout le monde, « quia nominor leo »…

Est-ce que vous trouvez ça difficile les langues anciennes? par rapport aux langues vivantes et aux maths notamment?

Ça prend beaucoup de temps. Et puis on se prend au jeu. Oui, c’est difficile, ça prend des années, et puis ça prend du temps quand on traduit, pas forcément pour comprendre, mais pour trouver la tournure, les mots qui trahissent le moins. Mais au fur et à mesure, même s’il y a encore des moments où je fais de belles gaffes, où je me plante un peu… on va de plus en plus vite, on se libère du dictionnaire. Difficile ne veut pas dire lent et fastidieux, ça veut dire que cela réclame de l’attention, de la concentration, de l’exigence par rapport à soi. J’aime beaucoup les langues vivantes par ailleurs, je fais de l’anglais et de l’allemand et je commence le grec moderne parce que j’ai envie de parler autre chose qu’anglais quand je vais en Grèce ! J’ai fait L mais j’aime les maths, j’ai continué jusqu’en terminale mais ce que je préférais, c’était l’algèbre parce qu’il y a un peu la même dimension de jeu et d’énigme que quand on traduit un texte.

Qu’est-ce que cela vous apporte dans votre quotidien? dans votre formation intellectuelle?

J’ai l’impression de beaucoup mieux sentir que les mots ont une épaisseur. J’ai aussi l’impression que, lorsque j’ouvre un livre, c’est là quelque part, caché ou transformé. C’est présent dans toute la littérature, même si c’est involontaire ; ça n’aurait pas été pareil si quelqu’un ne s’était pas mis un jour à raconter les aventures d’Ulysse. Les Grecs et les Romains ont inventé des formes de parole et de pensée sur lesquelles on est revenus, mais sur lesquelles on ne cesse pas, justement, de revenir. Ça n’en a peut-être pas l’air, mais c’est quelque chose de très quotidien qui concerne la perception et la représentation du monde. La couleur, par exemple : ce ne sont pas les mêmes distinctions qu’aujourd’hui. Dans l’Antiquité, ce qui importe, ce n’est pas de séparer des catégories chromatiques (vert, rouge, bleu), mais de dire à quel point c’est clair ou obscur, quelle texture ça a. La mer pourpre, chez Homère, c’est la manière qu’elle a de briller, avec toutes les métaphores qui vont avec, le vin dans la coupe, l’étoffe, le tremblement… parfois, les images et les récits nous sont restés ; ici, il faut faire un pas de côté, bien vouloir vaciller un peu.

Racontez-nous l’aventure du concours Cicero.

J’y participe depuis que je suis en première, je l’ai fait avec une amie. Cette année, on ne nous avait pas prévenus, mon amie m’a dit trois jours avant qu’il allait avoir lieu, donc je me suis décidée au dernier moment. En prépa, je ne faisais que la version, je n’avais pas le temps de travailler l’épreuve de culture, dommage. Donc, je suis allée faire l’épreuve de version, qui parlait des péripéties d’Alexandre en Égypte (une vraie promenade de santé ! mais pas mal d’administration à mettre en place). C’était très agréable ! C’était juste avant les écrits, mais je ne voulais pas rater ça…

Vous étiez surpris(e) du résultat? 

Surtout d’avoir le premier prix ! Je ne l’avais pas eu les autres années. J’étais contente de ma version en sortant, mais je me disais que je devais sans doute avoir fait des fautes, finalement non.

Continuez-vous les langues anciennes l’an prochain? Pourquoi?

Oui, je suis au Département des Sciences de l’Antiquité à l’ENS d’Ulm, j’ai bien hésité avec le département de philosophie mais je n’ai jamais envisagé pour autant d’arrêter les langues anciennes.

Citez un auteur de l’antiquité que vous avez lu (votre préféré par exemple) et un que vous souhaitez lire?

Mon préféré n’est pas très original : Homère… (ou Hésiode ?). Et en latin, je dirais Horace. Un que je voudrais lire, c’est Théocrite, je vais aller chercher les Idylles avec un des bons Budé que j’ai reçus. Mais il va me falloir un peu de temps pour m’habituer, parce que le dialecte dans lequel il écrit est assez biscornu.

Quel est le personnage historique/héros de l’Antiquité qui vous fait rêver? pourquoi?

Il y en a beaucoup ! Peut-être Hérodote, parce qu’il a dû avoir une vie drôlement romanesque… il a voyagé comme rarement à l’époque, ça devait être formidable de parler avec lui, imaginez tout ce qu’il avait à raconter ! Et il avait sans doute le goût du mystère, l’enquêteur… ou alors, Camille reine des Volsques, dans l’Énéide, quelle classe !

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