De senescente genere humano

1 décembre 2015
Texte :

Lunae die 30° mensis Novembris

Romani docti propriam rerum gestarum historiam in tres quatuorve aetates hominis distribuere solebant. Ciceroni enim, in libro De Republica (II, 1, 3), rempublicam Romanam propositum erat « et nascentem et crescentem et adultam etiam firmam atque robustam » ostendere. Item Seneca (apud Lactantium in Divinis institutionibus, VII, 15) Romuli aetatem infantiam vocaverat, regum vero pueritiam, primamque rempublicam, donec Romani manus cum Carthaginiensibus conserere coepissent, juventutem, aetatemque corroboratam cum, Carthagine capta et diruta, totum mare internum «nostrum» Romani recte dixissent. Nihil autem apud utrumque de senectute; at tempore Hadriani, cum imperium Romanum summo robore uteretur, Florus, illius saeculi bonus scriptor - sunt enim qui eum etiam illud amoenissimum Pervigilum Veneris panxisse asserant - totum opus quod Epitoma bellorum inscribitur secundum quaternas aetates ordinavit, in cujus prooemio Romanos aiebat infantiam sub regibus egisse tempore quo Roma cum finitimis luctata esset; adulescentiam idem spatium fuisse atque apud Senecam; florem aetatis usque ad Caesarem Augustum; denique rem Romanam senectute confectam esse, suo ipsius pondere, ut Montesquius noster in Considerationibus de Romanorum potentiae et labis causis, gravatam, idque « Caesarum inertia », nisi quod eam revirescere Trajano principe sibi videretur, qui Caesar, ut belle scripsit Florus, denuo « movit lacertos ».

Hi scriptores scilicet a potentia armorum aetatum progressus ad inexorabilem decrepitudinem dijudicabant. Quorum vestigia ineunte vicesimo saeculo secutus, Osvaldus Spengler, in libro De Occasu Occidentis, novum discrimen adduxit, inter cultum humanum, quo religiones artesque liberales florescunt, et cultum civilem, ubi artes mechanicae praevalent.

Si quis forte ad aetatem quae nunc est simili ratione utatur, procul dubio nationes ad Occidentem vergentes jam consenuisse adfirmet, cum eas regiones quae olim sub dicione sua fuerint prorsus nequeant pacare et religionibus artibusque liberalibus magis magisque neglectis mechanicisque principatum paene absolutum tenentibus, in discrimine versentur etiam de rebus quaestuosis.

Quemadmodum igitur, roget aliquis, res nostra revirescat, sicut Florus Romanam rem tempore suo reflorescere percipiebat? Certe hic jam non agitur de armis neque de cultu sive humano sive civili, neque tantum, modo hac de re paulo uberius velimus disputare, de solo Occidente, sed de toto orbe terrarum et de toto genere humano. Nam in aperto est stellam errantem quae nos hospitio excipit causa nostra ire pessum: hic enim aer, haec maria, hae aquae, hoc caelum continenter corrumpuntur quod vi fossili, ut aiunt, abhinc duo saecula effrenate utimur.

Quare magna spes nos habet summum consilium totius orbis primorum, quod his diebus Lutetiae Parisiorum de caeli mutationibus habetur, talia placita parturum esse qualibus hae terrae ubi incolimus in diuturnitatem serventur. Amicorum omnia communia, dictitabant Antiqui (vide Erasmi Adagium primum), κοινὰ τὰ τῶν φίλων: quid autem communius quam orbis cuius aere vescimur omnes? Attamen ut adsit communitas, necesse est etiam valeat amicitia, quam sub nomine fraternitatis nostrates colunt maxime, quod nomen quantumvis pulchrum hisce temporibus juvisset clarius audire.

Vieillesse de l'humanité

Lundi 30 novembre

Les auteurs romains avaient accoutumé de diviser leur histoire en quatre âges d'homme. Cicéron (République, II, 1,3) entendait exposer une République romaine d'abord naissante, puis grandissant jusqu'à la force de l'âge adulte. De même Sénèque (cité par Lactance dans ses Institutions divines, VII, 15) appelait-il l'époque de Romulus le berceau du peuple romain, celle des rois son enfance, et il datait sa pleine maturité à partir de la prise et de la destruction de Carthage : c'est alors en effet que les Romains avaient pu à juste titre appeler la Méditerranée un lac romain. Sous le règne d'Hadrien, à l'apogée de l'empire, Florus, un des bons écrivains de ce règne - on lui attribue aussi l'exquise Veillée de Vénus - conçut tout le plan de son Abrégé des guerres selon la succession des quatre âges. Rome, dit-il dans sa préface, était en enfance sous les rois, quand elle fit la conquête du Latium; il situe sa jeunesse à la même période que Sénèque (soumission de Carthage); sa maturité s'accomplit sous Auguste; ensuite de quoi elle s'achemine vers la vieillesse du fait de l'inertie des Césars, alourdie par son propre poids selon la théorie reprise plus tard par Montesquieu dans ses Considérations, quoique, sous Trajan, elle recouvre un peu de sa vigueur. En effet, cet empereur, comme l'écrit joliment Florus, sut à nouveau « faire jouer ses muscles ».

Naturellement, le critère qui permettait à ces écrivains de juger la succession de ces âges jusqu'à l'inexorable décrépitude n'était autre que la puissance des armes, conquérante puis déclinante. Au début du vingtième siècle, Spengler, dans son Déclin de l'Occident, leur emboîte le pas, en ajoutant cependant une distinction intéressante : celle de la culture proprement dite (religion et arts) et de la civilisation (primat de la technique).

Si l'on voulait considérer notre époque selon le même principe, il ne fait pas de doute que l'Occident en serait à sa vieillesse. Militairement, il se montre inapte à pacifier des régions entières qu'il tenait jadis sous sa dépendance; la culture y a depuis longtemps cédé le pas à la technique triomphante; il ne sait même plus s'enrichir.

De quelle façon pourrait-il donc lui aussi, comme sous les Antonins, « recouvrer un peu de sa vigueur », demandera-t-on? Assurément, il n'est plus ici question de puissance militaire, ni même de culture ou de civilisation; à le bien prendre, ce n'est même plus seulement d'Occident qu'il s'agit, mais du monde et de l'humanité dans leur entier. Chacun sait que la planète qui nous offre l'hospitalité, par notre faute, va à sa ruine: atmosphère, océans, eaux, climat ne cessent de se dégrader depuis deux siècles par le recours effréné aux énergies fossiles.

C'est pourquoi le sommet sur le changement climatique qui se tient à Paris ces jours-ci suscite une grande espérance: celle que cette réunion accouche enfin de décisions susceptibles de faire durer notre terre encore longtemps. Tout est commun entre amis, disaient les Anciens (cf. Erasme, Adage 1). Or, quoi de plus commun que l'air que nous respirons tous ? Mais pour qu'il y ait communauté, il faut aussi que l'amitié règne, cette « fraternité » dont la France s'enorgueillit, beau mot qu'on eût aimé entendre plus distinctement dans la conjoncture présente.  

Fabrice Butlen.